Bitcoin à 100 000 $ : symbole d’un nouvel ordre financier ou bulle à risque ?

Le Bitcoin, première crypto-monnaie de l’histoire, a franchi ce jeudi 5 décembre 2024 le cap des 100 000 dollars. Cette progression fulgurante reflète bien plus qu’un simple record financier. Elle illustre une évolution profonde des mentalités face à l’argent, aux investissements, et au rôle des institutions financières traditionnelles... Alors que certains y voient une révolution inarrêtable et le signe d’un nouvel ordre économique mondial, d’autres dénoncent une bulle spéculative alimentée par un engouement irrationnel. Qu’est-ce que cette étape nous dit de l’état actuel de notre monde financier ? Pourquoi autant d’institutions se tournent-ils vers Bitcoin ?

Dans cet article :

• L'ascension de Bitcoin
• Les facteurs sous-jacent de la montée
• Répercussions sur le système financier mondial
• Risques et opportunités pour l'avenir

L'ascension de Bitcoin : chiffres et contexte

Le long chemin jusqu'au 100 000 dollars

Depuis sa création en 2009 par le mystérieux Satoshi Nakamoto, Bitcoin a parcouru un chemin semé d’embûches : déclaré des dizaines de fois "mort", interdit des centaines de fois dans de nombreux pays, il a su finalement s'imposer comme une classe d’actifs à part entière.

Après avoir franchi la barre des 10 000 $ en 2017, atteignant un sommet à 20 000 $ avant une correction brutale, Bitcoin a su se relever et pulvériser ses anciens records lors des cycles suivants.

En 2021, il a dépassé les 60 000 $, porté par les toutes premières adoptions institutionnelles et l’intérêt croissant des investisseurs particuliers.

Aujourd’hui, la reine des crypto approche des 100 000 $ (son record s'établissant à 99 600 dollars le 23 novembre 2024) alimentée par plusieurs catalyseurs récents :

• L’approbation d’ETF Bitcoin dans certaines juridictions depuis janvier 2024, on pense à Blackrock en premier lieu avec leur ETF iBit, mais d'énormes fonds comme Van Eck, Grayscale, Ark Invest, Fidelity...
• Un contexte macroéconomique incertain avec l'augmentation des conflits armés dans le monde et une crise économique et social persistante, qui pousse les investisseurs à diversifier leurs portefeuilles.
• L'élection de Donald Trump aux États-Unis, se positionnant comme un grand défenseur de Bitcoin, assisté de Robert F. Kennedy (bien connu pour ses positions pro-Bitcoin) et surtout la sénatrice Cinthia Lummis, qui milite pour la création d'une réserve stratégique souveraine en bitcoin !

Ne vous y trompez pas, ce nouveau sommet des 100 000 $ est bien plus qu’un simple chiffre : il marque une validation progressive du Bitcoin comme actif légitime aux yeux des investisseurs particuliers, professionnels... et demain étatique ?

Ajustez l'unité temporelle du graphique pour constater l'évolution du prix du BTC sur la période souhaitée !

Comparaison avec d'autres classes d'actifs

La performance du Bitcoin au cours des dernières années surpasse largement celle des actifs traditionnels plébiscité par les investisseurs sur les marchés.

Alors que les indices boursiers les plus populaires comme le S&P 500 ou le CAC 40 ont offert des rendements annuels moyens d’environ 8 à 12 %, le rendement de Bitcoin annuel est parfois supérieur à 200 % sur une seule année civile.

Même l’or, considéré comme la valeur refuge absolue et l'étalon monétaire de référence pour les banques centrales et les États, ne peut rivaliser avec la progression fulgurante du Bitcoin.

Que nous montre cette incroyable évolution ?

Tout simplement que de plus en plus de particuliers et d’institutions considèrent désormais Bitcoin comme un actif indispensable dans un portefeuille qui se veut être diversifié, non pas seulement pour sa rentabilité passée, mais aussi pour son potentiel à long terme en tant que réserve de valeur numérique : rappelez-vous toujours qu'au final il n'y aura que 21 millions de bitcoin en circulation et pas 1 plus.

À l'inverse, toutes nos monnaies d'États (les monnaies FIAT) sont depuis 1973 et la fin des accords de Bretton Woods, décorrélées de l'or (le fameux étalon-or) et donc d'une véritable réserve de valeur.

La fin de l'étalon-or marque la dernière grande chute du pouvoir d'achat du dollar et de l'ensemble des monnaies FIAT. Ce graphique connu illustre à quel point nos monnaies ont perdu toute valeur au cours du 20ème et 21ème siècle.

Les facteurs sous-jacents de la montée

L'adoption institutionnelle : un tournant décisif

Si on ne doit retenir qu'un seul facteur en 2024 décisif dans la poussée fulgurante du Bitcoin vers les 100 000 dollars, il s'agit forcément de l'entrée dans la partie des institutions financières.

Autrefois perçu comme une niche spéculative pour les particuliers et encore plus longtemps par les institutions, le Bitcoin a finalement réussi à gagner en légitimité courant 2022 et 2023 auprès de grands acteurs comme Tesla et PayPal.

Cet engouement à ensuite déclenché l'intérêt de grands fonds d'investissement internationaux : Blackrock avec iBit, Fidelity avec FBTC ou encore VanEck, qui ont décidé de proposer un ETF (un fond indiciel) indexé sur le cours spot de Bitcoin.

Le 11 janvier 2024, l'approbation de ces ETF Bitcoin, d'abord dans certaines régions des USA, a donc joué un rôle clé en démocratisant l’accès à cet actif pour une large partie des investisseurs traditionnels (notamment les plus âgés), qui n’étaient pas toujours prêts à gérer directement les clés privées et la conservation de leurs bitcoins... Et qui avaient besoin d'être rassurés vis-à-vis d'un actif si jeune comme Bitcoin !

Liste des principaux ETF Bitcoin spot disponibles en 2024

Au-delà des particuliers, c'est aussi les entreprises qui ont eu un accès facilité à l'investissement à la reine des cryptomonnaies, et sur les marchés financiers, ce sont les entreprises qui injectent le plus de capital.

Cette adoption institutionnelle a un double impact :

• Elle apporte une stabilité relative au marché en élargissant sa base d’investisseurs, tout en renforçant sa crédibilité auprès des sceptiques.
• En parallèle, elle alimente la demande pour un actif dont l’offre est limitée par conception, créant une pression haussière sur les prix.

La recherche de couverture contre l'inflation

Dans un monde où les banques centrales ont imprimé des quantités massives de monnaie pour soutenir une économie convalescente post-pandémie, nous l'avons dans le premier paragraphe : nos monnaies ont perdu une bonne partie de leur pouvoir d'achat.

Ce constat est partagé par tous les français qui ont pu expérimenté l'inflation directement leur caddie de course ou ailleurs dans leurs achats du quotidien.

À partir de là, Bitcoin a commencé à se présenter comme un refuge potentiel contre l’inflation pour de nombreux investisseurs.

Pourquoi ?

Ce n'est pas un hasard s'il est souvent qualifié d’or numérique, il partage avec le métal précieux une caractéristique clé : la rareté.
Avec une offre maximale fixée à 21 millions d’unités, le Bitcoin offre une protection contre la dévaluation monétaire : personne ne peut imprimer/créer de bitcoins supplémentaire et donc augmenter la quantité maximale qui sera en circulation.

Cette caractéristique intrinsèque de Bitcoin est une clé fondamentale pour résister à l'inflation, un phénomène que beaucoup craignent face aux politiques monétaires expansionnistes.

Un actif à la croisée de générations

Bitcoin est aussi largement porté par un changement générationnel dans les habitudes d’investissement.

Alors que les baby-boomers privilégient et chérissent encore les actifs traditionnels de type actions, obligations et surtout immobilier, les milléniaux et la génération Z se tournent massivement vers les cryptomonnaies.

D'après le Global State Report of Crypto publiée en Septembre dernier par Gemini, 18% des français seraient détenteurs d'actifs numériques en 2024 ! Une preuve que les habitudes d'investissement évoluent...

Pour ces jeunes investisseurs, Bitcoin représente bien plus qu’un simple actif financier : c’est un symbole de modernité, d’innovation et parfois même de rébellion contre les systèmes économiques en place.

Ajoutez à cet intérêt, des plateformes d’investissement qui ont tout misé sur l'ergonomie et la simplicité d'accès : Coinbase, Robinhood, Kraken ou encore Binance, tous ces acteurs ont largement démocratisé l’achat de Bitcoin : en quelques clics depuis son smartphone il est possible d'acheter ses premiers bitcoin.

Enfin, comment ne pas mentionner la montée des réseaux sociaux dans le renforcement de l'engouement autour de Bitcoin ? Une vidéo qui fait le buzz, un post vendant les performances passées d'une crypto qui devient viral...

Difficile de résister aux chiffres vertigineux qui circulent sur nos écrans toute la journée...

Au bout du compte, les réseaux participent à un effet boule de neige où chaque hausse spectaculaire de prix attire de nouveaux entrants, qui participeront eux-même à l'essor du bull run.

Une monnaie sans maître

L’une des caractéristiques les plus fascinantes de Bitcoin est son absence de contrôle par une entité centrale. Si pour beaucoup ce critère peut paraître anecdotique, il est en fait une clé de voûte du système Bitcoin et de sa blockchain.

Contrairement aux monnaies fiduciaires, le Bitcoin n’est pas émis par une banque centrale ni régulé par un gouvernement. Sa gouvernance repose entièrement sur un réseau décentralisé et un consensus entre ses participants, garantissant une immunité face aux manipulations politiques ou économiques.

En plus d'être immunisé face à l'impression monétaire débridé d'un organe central, cette qualité de monnaie acéphale attire une grande variété d’utilisateurs pour plusieurs raisons liées à la liberté :

• Certains y voient le socle de leur souveraineté financière, notamment dans des régions où les systèmes bancaires sont peu fiables ou où les gouvernements restreignent l’accès aux capitaux.
• Pour d’autres, il s’agit simplement d’échapper aux restrictions réglementaires et à l’opacité des banques traditionnelles.

Répercussions sur le système financier mondial

Un nouvel ordre financier en gestation ?

Le cap des 100 000 $ atteint par le Bitcoin ne représente pas seulement un record historique : il illustre surtout une remise en question profonde du système financier traditionnel.

Que penser d'un actif totalement décentralisé, sans organe régulateur, qui arrive malgré tout à atteindre les 100 000 dollars de valorisation ?

Il est tentant de penser que les systèmes actuels, centralisés et opaques fonctionnent sur des systèmes injustes ou obsolètes et qu'il est légitime de vouloir y échapper...

Dans plusieurs pays en développement (notamment les pays du Sud économique), où les monnaies locales sont sujettes à une forte inflation et où les institutions politiques et financières sont peu fiables, Bitcoin joue déjà un rôle de substitut monétaire : la population a plus confiance dans ce registre décentralisé, propriété de tous et de personne, qu'en une monnaie aux mains d'un petit groupe de personnes.

Cette évolution pose la question : sommes-nous en train d’assister à la naissance d’un nouvel ordre financier, où la monnaie n’est plus contrôlée par les États ?

Bien évidemment, cette perspective inquiète les gouvernements et les régulateurs, qui craignent de perdre leur contrôle sur la politique monétaire. Et si Bitcoin continue de se démocratiser, de gagner en valorisation et en utilisation, les institutions traditionnelles n'auront pas le choix que de s’adapter pour coexister avec cette nouvelle classe d’actifs.

Mieux : face à un actif déflationniste, qui conserve la valeur dans le temps, les États seront contraints de proposer des monnaies avec des qualités similaires ou différentes à Bitcoin pour prétendre exister.

Risques et opportunités pour l'avenir

Un potentiel de bulle spéculative ?

Ce cap des 100 000 $ soulève inévitablement la question de la durabilité de cette hausse. Jusqu'où va monter le cours de Bitcoin ?

Une fois encore les avis sont partagés.

Si certains analystes y voient une validation de son rôle de réserve de valeur, d’autres avertissent d’un risque de bulle spéculative, faisant référence à la célébrissime tulipomanie du 17ème siècle.

Ces lanceurs d'alertes n'ont pas totalement tord : les précédents cycles de prix du Bitcoin, marqués par des hausses spectaculaires se sont toutes soldées par des corrections brutales, laissant de nombreux investisseurs court terme sur le carreau.

Il faut aussi relever que l’engouement actuel autour du franchissement des 100 000 $ est notamment porté par des facteurs exogènes que nous avons déjà abordés : les politiques monétaires expansionnistes actuelles (via l'impression monétaire) et l’adoption croissante des ETF Bitcoin.

Qu'en sera-t-il quand l'effet ETF sera retombé ou si une politique d'austérité est menée par les principaux gouvernements, freinant durablement la planche à billets ?

Une finance réinventée et plus inclusive ?

Au-delà des risques, Bitcoin ouvre la voie à des opportunités inédites pour (tenter de) réinventer la finance.

Quand on parle d'inclusivité de Bitcoin, il s'agit de sa capacité à démocratiser l’accès à l'investissement, en particulier dans les régions où les populations sont totalement exclues des systèmes bancaires traditionnels.

Si cela peut paraître délirant pour un ménage ou un particulier du monde occidental, il faut savoir que 1,4 milliards d'adultes dans le monde sont sans compte bancaire (1 adulte sur 4) !

De par son caractère décentralisé, Bitcoin permet à quiconque, avec un simple smartphone, de participer à l’économie numérique mondiale en dépensant/échangeant ses bitcoins.

La régulation comme frein ou catalyseur ?

L’adoption de Bitcoin dépendra en grande partie de l’équilibre entre innovation et... régulation.

Même si les bitcoiners de la première heure réfutent cette hypothèse selon laquelle il faudrait une validation d'un organe supérieur, il est difficile d'imaginer un monde ou l'ensemble la population, souvent non-initiée, se tournera vers Bitcoin alors que nos gouvernements seront fondamentalement opposés.

Pourquoi pourraient-ils s'y opposer ?

Les institutions cherchent à encadrer son utilisation avant tout pour limiter les risques de blanchiment d’argent, de financement illicite ou de fraude... D'après leurs dires.

La réglementation MiCA en Europe ou les efforts de la SEC aux États-Unis montrent que les régulateurs souhaitent avancer vers un cadre plus clair pour les cryptomonnaies.

Bitcoin et l'avenir : adoption de masse ou plafond structurel ?

Avec le passage des 100 000 dollars, Bitcoin est désormais à un carrefour critique.

Son énorme popularité auprès des investisseurs du monde entier et ses caractéristiques uniques en font un candidat sérieux pour devenir la réserve de valeur reconnue mondialement, à l’instar de l’or.

En revanche, nous l'avons vu, son adoption comme monnaie de transaction reste limitée par des contraintes techniques : lenteur des transactions et frais élevés.

Quels seront les éléments qui pourront faire basculer Bitcoin du bon côté de la barrière ?

Des innovations sur la blockchain Bitcoin.

Certaines sont déjà là ! C'est le cas du Lightning Network, une surcouche de la blockchain Bitcoin qui permet d’améliorer la scalabilité du Bitcoin, notamment sur la rapidité des paiements et la minimisation des frais de transaction.

Un autre enjeu majeur pour Bitcoin sera de réussir à tenir tête à des concurrents plus agiles comme Ethereum ou Solana qui ont tout misé sur l'aspect de mise à l'échelle des smart contracts.

Si le Bitcoin parvient à surmonter ces défis, il ne fait pas beaucoup de doute qu'il pourrait non seulement maintenir, mais amplifier son rôle dans le système financier mondial pour en devenir un acteur systémique incontournable.

L’atteinte des 100 000 $ par le Bitcoin est bien plus qu’un jalon symbolique : elle marque un tournant pour les marchés financiers, les technologies émergentes et les mentalités des investisseurs. Ce cap ouvre des opportunités révolutionnaires et des risques significatifs. À l’heure où le monde de la finance redéfinit ses paradigmes, le Bitcoin pourrait bien être à la fois un acteur clé de cette transformation et un test grandeur nature des limites de l’innovation décentralisée.

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